Lorsque j’étais encore une jeune mariée, j’ai vu un film qui m’a beaucoup marquée.
C’était l’histoire d’un mari dont la femme mourait après l’accouchement de leur petite fille.
Je ne sais pas pourquoi mais, lorsque je suis moi-même tombée enceinte de mon fils aîné, j’étais persuadée que je subirai le même sort funeste.
J'ai été confrontée à la mort pour la première fois lors du décès de ma grand-mère quelques mois avant la naissance de mon bébé. Elle avait 98 ans mais nous étions tous très tristes, j'adorais ma grand-mère maternelle, Marie. Cette disparition douloureuse a réactivé ma crainte d'une mort prochaine. Comme je suis une personne organisée de nature, j'ai pensé que si je devais vraiment mourir dans les mois qui suivaient, il fallait laisser un témoignage à mon fils. J’ai alors commencé un journal le 12 août 2000, 10 semaines avant sa naissance. J’y présentais toute la famille tout en expliquant comment se passait la grossesse. Je l’ai relu cette semaine pour préparer cet article, cela m'a rappelé de bons souvenirs.
Avec ce petit journal, j’essayais de conjurer le sort et préparer mes proches à mon décès mais en fait, lorsque j’y repense, nous pouvons tous le faire : préparer notre mort.
Une cérémonie d'adieux, ça se prépare
Que signifie concrètement « préparer sa mort » ?
Deux de mes amies ont eu la douleur de perdre leurs mamans en août dernier. Ces deux femmes, âgées, s’y étaient préparées chacune à leur manière et j’ai trouvé que c’était une très belle preuve d’amour. L’une d’elle a contacté les pompes funèbres, elle a donné ses dernières volontés et elle a même choisi son propre cercueil pour que sa fille n’ait pas à le faire.
Cela demande beaucoup de courage de se projeter à ce point et dire « quand je serais morte, voici comment je souhaite que la cérémonie se déroule, voici les textes que je veux que VOUS entendiez, voici les photos de moi que je veux que VOUS voyiez ».
S’il y a beaucoup de témoignages sur la vie après la mort, il n’y a nulle certitude à ce sujet et donc le défunt ne sera peut-être pas « présent » dans l’assistance assister à ses funérailles.
Il ne verra ni n'entendra rien, tous ces rituels sont bien destinés à lui dire adieu mais aussi aider les survivants à soulager leur peine.
Les points à éclaircir sur ses dernières volontés
Lorsqu'il faut dicter ses dernières volontés, il y a beaucoup de questions comme :
- Que deviendra mon corps ?
- Est-ce que j'en fais don à la science ou vais-je faire un don d’organes ?
- Est-ce que j'opterai pour une messe ?
- Que vais-je choisir ? L'incinération ou l'inhumation ?
- Quel type de cercueil ? Quel cimetière ou dans quel lieu va-t-on disperser mes cendres ?
- Ai-je une fleur préférée ?
- Une musique à laquelle je tiens particulièrement ?
- Un texte ou des paroles choisies pour consoler mes proches ?
- Est-ce que je préfère que des dons soient envoyés en mon nom à des associations caritatives plutôt que d’avoir des dizaines de couronnes de fleurs qui ne résisteront pas à quelques jours de chaleur ?
J’ai un souvenir pénible de la visite aux Pompes Funèbres pour préparer l’enterrement de mon père il y a dix ans. Quel modèle de cercueil choisir ? le premier prix ou un peu plus cher ? Les tarifs sont exorbitants…
Pourquoi ce tabou autour du cercueil, pourquoi dépenser autant alors que le veuf ou la veuve aura tant de frais à envisager par la suite ?
La famille endeuillée n’est pas en état de choisir, c’est aussi simple que cela. Choisir un cercueil pour un parent proche c’est déplacé, c’est choquant. On ne pense qu’à pleurer, à avoir des remords de ne pas avoir tout dit ou de ne pas avoir demandé pardon peut-être mais, vraiment, on ne se demande pas si l’intérieur du cercueil de son père doit être capitonné ou pas.
Il existe des conventions obsèques pour dicter ses dernières volontés avec une somme dédiée pour que l’inhumation soit réglée. Il est tout à fait possible aussi d’écrire ce que l’on souhaite une fois que l’on sera décédé(e) et d’expliquer quels fonds sont prévus pour les régler. Il suffira de confier cette lettre à un proche ou de la classer dans le livret de famille par exemple.
Cette semaine, j’ai trouvé par hasard au Leclerc Culturel un cahier qui s’appelle « Mon Shukatsu » de Yun INADA. Dans ce cahier, vous pouvez faire le point sur votre vie, décrire votre cérémonie idéale, expliquer où sont vos papiers et même écrire quelques dernières pensées à vos proches. Cela permet de ne rien oublier et de laisser ses directives sur un beau support.
Quels biens allez-vous léguer et à qui ?
Il est très douloureux de faire le tri dans les affaires d’un parent décédé alors pourquoi ne pas s’en charger soi-même, en amont ?
En faisant des recherches pour cet article, j’ai trouvé un livre qui aide à préparer son dernier voyage : " Le subtil art suédois du grand tri pré-mortem " de Margareta Magnusson. Dans une interview, cette auteure explique comment s’organiser, avec une touche humoristique :
« Laissez seulement les belles choses à vos proches, pas l'intégralité de vos bibelots ni de vos vêtements usagés" et elle explique :
- Commencez ce rangement pré-mortem, dès 65 ans, afin de profiter de sa maison rangée ensuite, double bénéfice.
- Ne commencez pas par les photos (trop sentimental), débutez plutôt par la cave ou le grenier.
- Décidez en amont des biens que l’on souhaite léguer et désigner nommément ceux à qui on les destine comme les bijoux et préciser où ils seront rangés.
- Préparez un carton « à jeter » qui contient des lettres d’amour, des souvenirs de voyages que vous souhaitez encore garder mais que vous ne tenez pas à léguer.
En somme, on se débarrasse ce qui peut gêner les autres ou les encombrer et faites-vous aider par une personne extérieure qui n’attachera aucun sentimentalisme à un cadre ou un livre. Au-delà des biens matériels, il y a aussi la succession, les assurances-vie, la vente de votre maison si vous étiez déjà seul(e).
Donnez les coordonnées de votre notaire à vos proches et pensez également à bien ranger régulièrement vos documents administratifs, courriers et autres factures. Pour cela, préparez un dossier comportant :
- La liste de l’ensemble de vos comptes bancaires, contrats d'assurance, abonnements en cours (EDF, Internet, magazine, etc.) : pour chaque contrat, indiquez les coordonnées du prestataire et votre numéro de client/contrat ;
- La liste des établissements publics avec lesquels vous êtes en relation et vos identifiants (organisme de Sécurité sociale, de retraite, CAF, etc.) ;
- La liste des personnes devant être prévenues de votre décès et leurs coordonnées ;
- Les identifiants et mots de passe de vos comptes Internet, messageries en particulier et le code pin de votre téléphone.
Transmettre et se libérer
Quels souvenirs souhaitez-vous partager ? Laisserez-vous un arbre généalogique pour que vos petits-enfants plus tard connaissent leurs origines ? Allez-vous écrire un journal racontant votre histoire ? votre parcours ? vos coups de cœurs et vos coups de gueule ?
Prendre ce temps d’introspection vous aidera peut-être à recontacter des personnes que vous souhaitez remercier ? des personnes dont vous solliciterez le pardon ?
Est-ce plus « facile » à faire lorsque l’on se sait condamné(e) ? Peut-être…
Nous pourrons plus facilement, ce n’est que mon sentiment, aborder notre fin de vie, si nous avons vécu tout ce que nous avions à vivre, à dire tout ce que nous avions à dire, sans remords. Je vous conseille vivement les livres de Marie de Hennezel, « La mort Intime » ou d’Elisabeth Kubler Ross « La mort, porte de la vie » qui abordent cette thématique.
Bronnie Ware est une infirmière australienne qui a passé de nombreuses années à travailler en soins palliatifs. Elle a fini par publier un livre intitulé The Top Five Regrets of the Dying (Les 5 plus grands regrets des mourants) que voici :
- J'aurais aimé avoir eu le courage de vivre la vie que je voulais vraiment, pas celle que les autres attendaient de moi.
- J'aurais dû travailler moins.
- J'aurais aimé avoir le courage d'exprimer mes sentiments.
- J'aurais aimé garder le contact avec mes amis.
- J'aurais aimé m'accorder un peu plus de bonheur.
Cela soulagera peut-être le chagrin de nos proches s’ils se rendent compte que nous étions prêt(e) à partir. Peut-être que nous pourrions souhaiter une cérémonie d’adieu, sans larmes, puisque tout est dit, tout est partagé, tout est pardonné…
Ma cérémonie d'adieux
Alors, avec vous, je vais commencer cet exercice.
Je suis inscrite depuis plus de 20 ans pour le don d'organes et je souhaite être incinérée plutôt qu'inhumée. J’ai vu ausi des cercueils en carton, je trouve ça très bien !
Si la technique de l’humusation devient légale en France, j’aimerais bien être cobaye et nourrir les racines d’un arbre comme un érable du japon, un chêne ou un figuier. Une amie m’a aussi parlé d’un nouveau type de cimetière écologique à Ivry. Si l'option du retour à la terre n'est pas possible, c'est en mer que j'aimerais voir disparaitre mes cendres.
Pour ma cérémonie, je préfèrerai une célébration toute simple, dans une église.
J'aimerais comme musique d'introduction l’intermezzo de "Cavalleria Rusticana" de Verdi, c’est un morceau triste mais très inspirant et apaisant comme "La Force du Destin" que j’avais entendu dans le film "Manon des Sources".
Pour la fin de la cérémonie, j’aimerais que mes proches entendent « Happy » de Pharrell Williams car si je meurs demain, dans 20 ou 30 ans qui sait, je suis heureuse de ce que j’ai vécu et pour moi, cette chanson transpire le bonheur !
Mes fleurs préférées sont les roses, parfumées de préférence et j'apprécie beaucoup les lys blancs mais pas à profusion.
Si mes proches ne se retrouvent pas sans ressources, je préfère que des dons soient faits à des associations comme Petit Frère des Pauvres ou Emmaus plutôt que d'avoir trop de fleurs et de couronnes.
J’aime beaucoup le livre de THICH NHAT HANH. « La terre est ma Demeure », notamment la page 241 ainsi que ce poème de William Blake sur lequel je vais conclure cet article.
N’hésitez pas à commenter, partager vos expériences de deuil, votre vision de la mort comme celle de votre cérémonie d’adieu sur la page Facebook de Risaée
William Blake
Je suis debout au bord de la plage
Un voilier passe dans la brise du matin
Et part vers l'océan, il est la beauté... il est la vie...
Je le regarde jusqu'à ce qu'il disparaisse à l'horizon
Quelqu'un, à mon côté, dit : "il est parti"
Parti ? Vers où ? Parti de mon regard c'est tout !
Son mât est toujours aussi haut,
Sa coque a toujours la force de porter sa charge humaine
Sa disparition totale de ma vue est en moi, pas en lui...
Et juste au moment où quelqu'un, près de moi, dit : "il est parti"
Il en est d'autres qui, le voyant poindre à l'horizon
Et venir vers eux, s'exclament avec joie : "le voilà"
C'est cela la mort.